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La Responsabilité de Protéger, de New-York aux conflits du Moyen-Orient

  • par Killian Cochet
  • 23 avr., 2021

En 2005, pour le 60e anniversaire de l’ONU, l’Assemblée Générale des Nations Unies a écrit une page déterminante de l’histoire du droit international. Par un vote unanime, les Etats membres ont adopté dans l’acte final du Sommet mondial un concept promu depuis des années par des juristes et des acteurs humanitaires internationaux : la responsabilité de protéger (souvent abrégée en R2P pour Responsability to Protect). Cette responsabilité impose aux États et, le cas échéant, à la communauté internationale, de protéger les populations contre les crimes graves qui peuvent être commis à leur encontre.


La responsabilité de protéger a marqué une évolution décisive dans la conception juridique des relations internationales. L’espace supranational est régi depuis près de quatre siècles par le “système westphalien”, tiré du Traité de Westphalie de 1648 qui conclut la Guerre de Trente Ans. Ce système est caractérisé par une double définition de la souveraineté des Etats : une souveraineté externe qui s’exprime par une égalité de droit entre les Etats et une souveraineté interne qui confère à chaque Etat une autorité exclusive sur sa population et son territoire. Ce système a connu un important développement au XXe siècle, particulièrement concernant la souveraineté externe. De l’Entre-Deux-Guerres à l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale, divers acteurs ont tenté de donner sa pleine puissance au concept de souveraineté externe en mettant “la guerre hors-la-loi” (Expression du ministre des Affaires Etrangères français, Aristide Briand, lors de sa présentation du pacte Kellog-Briand à l’Assemblée Nationale le 1er mars 2029), que ce soit par le Pacte Kellog-Briand ou par la Charte des Nations Unis. En revanche, le volet interne de la souveraineté demeurait l’angle mort du développement sécuritaire des Nations Unies. A l’exception de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide de 1948, peu de règles internationales régissaient les rapports entre un Etat et ses populations.


Néanmoins, à la sortie de la Guerre Froide, les conflits intra-étatiques et la protection des droits humains sont redevenus un enjeu majeur du droit international. Les années 1990 sont marquées par deux crises humanitaires que sont la guerre civile de Yougoslavie (1991-2001) et la guerre civile Rwandaise (1990-1994) qui prit un tournant génocidaire dans sa dernière année avec le massacre de près de 800 000 Tutsis et Hutus accusés de sympathiser avec l’ethnie massacrée (Rapport de l’ONU sur le génocide au Rwanda, 1999 : “Quelque 800 000 personnes ont été massacrées lors du génocide de 1994 au Rwanda”). Dans ce contexte de conflits internes, qu’ils soient hérités de la Décolonisation et de la Guerre Froide ou qu’ils s’agissent des “Nouvelles Guerres” caractéristiques de l’espace international post-Guerre Froide (KALDOR, Mary, New and Old Wars : Organized Violence in a Global Era, 2012), des acteurs politiques et humanitaires internationaux ont promu une évolution du droit pour prévenir de futurs excès de violence d’une telle ampleur.

Dès 1987, un colloque international organisé par la faculté de droit de Paris-Sud fait adopter à l’unanimité une résolution affirmant que “devraient être reconnus [...] par tous les Etats membres de la communauté internationale, à la fois le droit des victimes à l’assistance humanitaire et l’obligation des Etats d’y apporter leur contribution”. Cette résolution, qui sera portée plus tard devant les Nations Unies par la France, a notamment obtenu le soutien du juriste international de renom Mario Bettati et du fondateur de Médecins Sans Frontières Bernard Kouchner. Tandis que cette idée de “droit d’ingérence humanitaire” se répandait, deux discours allaient accélérer le passage au droit positif d’un concept de protection internationale des populations dans un cadre étatique.

Le premier fut donné par le Président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, au Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine à Ouagadougou, Burkina-Faso, en 1998. Nelson Mandela argumentait dans ce discours que le continent africain, partageant la marque du colonialisme et le néo-colonialisme, formait une communauté de destin et devait, en tant que tel, assurer communément la paix et la stabilité en son sein. Nelson Mandela, insistant sur la gestion commune de la sécurité qu’il promouvait pour le continent africain, affirmait qu’il était inacceptable “d’abuser du concept de souveraineté nationale pour nier au reste du continent le droit et le devoir d’intervenir, quand, au sein de cette souveraineté, le peuple est massacré pour protéger la tyrannie”.

Le second discours est celui du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, devant l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2000 alors que le débat autour de l’intervention humanitaire divise la communauté internationale. A cette occasion, il déclara “s’il l’intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l’homme, qui vont à l’encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d’être humain ?”. Ce discours marqua le début du processus de formalisation de la responsabilité de protéger et son intégration finale au droit international promu par les Nations Unies.

L’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Koffi Annan
Le processus de création de la responsabilité de protéger

En 2001, en réponse au discours du Secrétaire Général des Nations Unies, le gouvernement canadien a rassemblé des experts du droit international et de la diplomatie au sein d’une Commission Internationale sur l’Intervention et la Souveraineté des Etats (CIISE). Cette initiative peut s’expliquer par la volonté du gouvernement libéral du Premier ministre Jean Chrétien et de son ministre des affaires étrangères Lloyd Axworthy de promouvoir leur politique étrangère axée sur la “sécurité humaine” (AXWORTHY Lloyd, « RtP and the Evolution of State Sovereignty », in J. Genser, I. Cotler (dir.), The Responsibility to Protect, Oxford, Oxford University Press, 2012). Il s’agit en effet du même gouvernement qui a promu la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnelles, signée en 1997.

La CIISE était co-présidée par l’Australien Gareth Evans et par l’Algérien Mohamed Sahnoun. Gareth Evans, ancien Ministre des affaires étrangères du gouvernement australien, était réputé pour sa gestion de la crise du Timor Oriental (1999-2000) et sa participation au processus de paix au Cambodge (débuté en 1991). Evans a fait ajouter la notion de souveraineté des Etats dans le nom de la commission. Cet ajout a permis de rassurer les Etats les plus sceptiques à l’égard de l’interventionnisme humanitaire et d’obtenir leur soutien pour le projet de la CIISE (JEANGÈNE VILMER, Jean-Baptiste, La responsabilité de protéger, 2015, chapitre II). Le co-président Mohamed Sahnoun, pour sa part, a été l’un des principaux diplomates de la république algérienne. Il a notamment participé à l’intervention de l’ONU en Somalie de 1992 à 1995.

La CIISE a également incarné une forme de multilatéralisme en accordant des postes importants à des dignitaires qui n’étaient pas originaires des principales puissances occidentales. Ainsi, sept des douze commissaires de la CIISE sont issus du Groupe des 77, la coalition à l’ONU des pays en développement. Néanmoins, les gouvernements australiens et canadiens ont gardé un rôle important au sein de la CIISE. Parmi les principaux juristes rédacteurs du rapport de la CIISE se trouvaient Ramesh Thakur et Michael Ignatieff, respectivement australien et canadien (BELLAMY, A., “Responsabilité de protéger”, Polity, 2009).

En 2001, la CIISE publia un rapport sur la responsabilité de protéger qui proposa d’étendre la conception de la sécurité dans le droit international aux individus à l’intérieur de l’Etat. Cette responsabilité de protéger fut adoptée à l’unanimité lors du Sommet mondial de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Elle figure aux articles 138 et 139 de l’acte final du Sommet mondial.


La responsabilité de protéger repose sur trois piliers. Le premier impose aux États une responsabilité de protéger leurs populations contre quatre crimes : les génocides, les crimes de guerre, les nettoyages ethniques, et les crimes contre l’humanité. La protection inclut la prévention et la lutte contre l’incitation à ces crimes. Le second pilier incite les Etats à s'assister mutuellement dans l’exercice de cette responsabilité et à assister l’ONU à établir une capacité de réaction rapide. Enfin, le troisième pilier prévoit un mécanisme d’intervention d’Etats tiers en cas de défaillance d’un Etat. Cette intervention peut se faire par des moyens pacifiques (tels qu’ils sont prévus au chapitre VI de la Charte des Nations Unies), mais si les moyens pacifiques et l’action de l’Etat concerné par les crimes se révèlent inadéquats à les faire cesser, des moyens coercitifs (tels qu’ils sont prévus par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies) peuvent être employés.

Tant le texte de l’acte final que le consensus de l’Assemblée Générale des Nations Unies semblent convenir que la R2P doit en priorité être considérée sous un angle préventif et passer par une “appropriation nationale”, afin de garantir la souveraineté des Etats, tandis que l’intervention militaire doit demeurer un ultime recours. Néanmoins cette conception souverainiste de la sécurité des individus ne fait pas l’unanimité et elle est particulièrement contestée par les tenants de l'interventionnisme humanitaire. Le débat opposant souverainistes et interventionnistes sur la question sécuritaire a été ravivé en 2008 lorsque le cyclone Nargis frappa la Birmanie, faisant des dizaines de milliers de victimes et des millions de déplacés. Face à un gouvernement birman réticent à accepter l’aide internationale, le Ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, avait demandé au Conseil de Sécurité des Nations Unies d’imposer l’envoi d’aide humanitaire au nom de la responsabilité de protéger. Si la proposition de Bernard Kouchner a reçu un certain soutien, notamment de la part de Lloyd Axworthy, elle a aussi suscité une ferme opposition des Etats de la région avant d’être rejetée par le Conseil de Sécurité. A ce jour, le débat est encore vif à l’ONU, bien que l’organisation tente de jouer un rôle de médiation entre les deux parties. Nous pouvons notamment le voir dans le rapport de 2009 sur la mise en œuvre de la Responsabilité de protéger depuis 2005 qui rappelle que l’intervention peut se faire par un panel d’actions non-coercitives et non-militaires comme l’envoi d’experts ou d’observateurs.


Le Sommet mondial de l’Assemblé Générale de l’ONU en 2005, présidé par le Secrétaire Général Kofi Annan (source: ONU, photographie de Paulo Filgueiras)

Depuis 2005, la responsabilité de protéger a été mise en pratique à plusieurs reprises, et particulièrement au Moyen-Orient et dans le monde arabe. Quelques mois après son adoption, le Conseil de Sécurité de l’ONU (CSNU) s’est fondé sur la responsabilité de protéger pour envisager une intervention humanitaire en Somalie (résolution 1674 du CSNU, 2006). Peu après, le Conseil de Sécurité a ordonné le premier envoie d’une mission de maintien de la paix au nom de la responsabilité de protéger lors de la crise du Darfour (résolution 1706 du CSNU, 2006). Cette première intervention fondée sur la R2P s’est faite en accord avec l’Etat soudanais et s’est limitée à des opérations militaires de maintien de la paix contrairement au cas de la Libye.

L’intervention en Libye

L’opération de l’OTAN en Libye en 2011 est une application unique de la responsabilité de protéger qui a abouti à une intervention militaire contre un Etat et, conséquemment, un changement de régime. Cette intervention a pour fondement deux résolutions du Conseil de sécurité : la résolution 1970 du 26 février 2011 qui rappelait au gouvernement libyen son obligation de protéger sa population et la résolution 1973 du 17 mars 2011 qui constatait son non-respect de cette obligation et autorisait une coalition internationale dirigée par l’OTAN et ses pays membres. Le contexte de ses résolutions est le déclenchement de la première guerre civile libyenne quelques semaines plus tôt et l’offensive imminente des forces gouvernementales contre les insurgés dans la ville de Benghazi.

Cette utilisation de la responsabilité de protéger, unique par ses conséquences, a fait l’objet de nombreuses critiques notamment au sujet des motivations de l’intervention. Tout d’abord, la R2P souffre d’un problème de sélectivité. Si la responsabilité de protéger vise à assurer la sécurité des populations, il est cependant évident qu’elle est employée en réponse à certaines crises et qu’elle ne l’est pas pour d’autres, sans que le nombre de victimes ne joue un rôle dans cette sélection. Le cas de la Libye est particulièrement éloquent. Le gouvernement libyen s'apprêtait à remporter la guerre civile et le nombre de victimes avant l’intervention demeurait faible (1 300 selon un rapport de 2015 de l’ONG ACLED, Conflict Data Version 5 1997-2014). Au même moment, la famine frappait la Somalie avec des conséquences humaines bien supérieures tandis que l’aide internationale peinait à arriver. Par exemple, alors que la France dépensait 350 millions d’euros dans l’opération Harmattan en Libye, elle en allouait seulement 10 millions à l’aide humanitaire en Corne de l’Afrique. La famine de 2011 dans la région fit environ 30 000 morts.


De plus, les enjeux économiques et politiques en Libye pour les puissances interventionnistes pourraient apporter un éclairage différent sur les motivations réelles de l’intervention. La Libye socialiste a soutenu tout au long de son existence un grand nombre de révoltes et de gouvernements anti-coloniaux, dont le Burkina Faso de Thomas Sankara. Économiquement, le pays jouissait d’une économie dynamique très largement soutenue par la rente pétrolière. La Libye possède les plus grandes réserves de pétrole d’Afrique et se situe en 7e place du classement mondial. Tous ces éléments sont autant d’intérêts géostratégiques pour les pays ayant mené l’intervention de 2011 qui viennent nuancer le discours humaniste axé sur la protection des “civils désarmés” contre la “folie meurtrière d’un régime” (expressions issues du discours du 19 mars 2011 du Président français Nicolas Sarkozy annonçant le début de l’opération en Libye). La critique de l’intervention en Libye ne s’est d’ailleurs pas arrêtée avec la fin de la première guerre civile en octobre 2011. Le pays est plongé dans l’instabilité et dans une deuxième guerre civile depuis 2014, avec un bilan humain toujours plus important. De plus, le chaos qui s’est installé dans le pays a permis le retour de l’esclavagisme et d’autres violations massives des droits humains dont les populations vulnérables du pays souffrent particulièrement.

L’USS Barry, un destroyer étasunien, tirant un missile Tomahawk sur les forces gouvernementales libyennes depuis la côte lors de l'intervention en 2011 (Source: Département de la Défense des Etats-Unis)
Les critiques

L’intervention de 2011 a ravivé le débat sur cet appareil juridique déjà considéré avec méfiance.

Tout d’abord, les interventions militaires sont un type d’opération mal maîtrisé sur un plan humanitaire. Comme le rappelait le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki Moon dans son rapport sur la Responsabilité de Protéger de 2015, une intervention suppose ensuite une “assistance internationale durable”. Le succès militaire de l’intervention ne suffit pas à faire disparaître les tensions et les violences auparavant présentes dans un pays. Après une intervention, la (re)construction d’un appareil sécuritaire fonctionnel et un processus de paix peuvent être nécessaires à la protection des populations. L’intervention en Libye a cruellement fait défaut sur ce point, bien que des efforts aient été entrepris par l’ONU pour stabiliser à nouveau le pays.

Un autre écueil des interventions dans le cadre de la responsabilité de protéger est la fabrication de fausses preuves de crimes. Le problème se posait déjà avant l’introduction de la responsabilité de protéger en 2005. L’intervention de l’OTAN dans la province autonome du Kosovo en 1999 était motivée par des accusations de nettoyage ethnique contre la Yougoslavie. Cependant, le plan Potkova publié par l’Allemagne pour justifier l’intervention s’est révélé être un faux un an plus tard, créé de toute pièce par la Bulgarie qui voulait intégrer l’OTAN (Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle, Le Monde Diplomatique, avril 2019). Dans le cadre de la mise en pratique de la responsabilité de protéger, l’intervention en Libye a aussi été motivée par des affirmations qui n’étaient “pas soutenues par des preuves suffisantes” (House of Commons Foreign Affairs Committee, Libya: examination of intervention and collapse and the UK’s future policy options, troisième rapport de la sessions 2016-17) telles que les accusations de massacres de civils par les forces régulières libyennes.


Malgré ces critiques, l’intervention en Libye en 2011 n’a pas marqué un coup d’arrêt pour la responsabilité de protéger. Au contraire, la R2P a connu un essor dans l’activité de l’ONU depuis 2011. Selon l’ONG Global Center for the Responsability to Protect, le nombre de résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU mentionnant la R2P est passé de 4 dans la période 2005-2011 à 30 dans la période 2011-2015. Selon Alexandre Bellamy, directeur du Asia-Pacific Center for the Responsability to Protect, la R2P a permis le déploiement d’un important dispositif sécuritaire par l’ONU dans le cadre de ses missions de maintien de la paix. Bellamy recense 75 000 casques bleus déployés pour ce motif en 2015.

On peut toutefois relever qu’aucune intervention de l’ampleur de celle menée contre la Libye n’a été organisée depuis 2011. Cette observation peut s'expliquer par la division du Conseil de Sécurité entre un bloc sino-russe et un bloc atlantiste. Comme l’affirmait le juriste international Henri Bonfils en 1912, “Si nous interrogeons la pratique internationale, nous constatons que les Etats ont tour à tour invoqué ou repoussé le devoir d’intervention selon leurs intérêts bien ou mal compris. Ils n’ont en général obéi qu’à des calculs égoïstes. Quand ils ont jugé profitable à leur politique, à leur ambition, de se mêler des affaires d’un autre Etat, ils ont revendiqué le droit d’intervenir. Ont-ils cru trouver leur avantage à écarter ou à empêcher l’intervention active d’autres Etats, ils leur ont contesté leur faculté d’intervenir.” Les membres permanents du Conseil de Sécurité, les cinq Etats qui sont les ultimes décisionnaires d’une intervention coercitive, n’échappent pas à cette règle. Ainsi, une intervention dans la guerre civile de Syrie est bloquée par les vétos russe et chinois. De même, une intervention contre l’Arabie Saoudite dont la participation à la guerre civile au Yémen provoque actuellement la “pire crise humanitaire du monde” (United Nations Population Fund, After Years of conflict, Yemen remains the world’s worst humanitarian crisis, a UNFPA 2021 appeal shows, 07 décembre 2020)  est exclue en raison du soutien américain.

Face à l’impasse des vétos, la France propose officiellement depuis 2012 de suspendre l’usage de ce droit au Conseil de Sécurité à l’encontre des projets visant à protéger les populations contre les crimes de génocides, les crimes contre l’humanité, et les crimes de guerre à grande échelle. A ce jour, cette proposition n’a été soutenue par aucun autre membre permanent du Conseil de Sécurité, bien qu’une multitude d’ONG et d’Etats   tiers ont soutenu la réforme du CSNU. Cette proposition de réforme fait face à une difficulté majeure en proposant de remettre en cause l’équilibre international issu de la Deuxième Guerre Mondiale centré sur les cinq vainqueurs de la guerre.

Il est certain que l’adoption de la responsabilité de protéger a marqué une évolution majeure du droit international. Cette réforme se heurte cependant aux fondements du système international westphalien et de l’équilibre des forces prévus par la Charte des Nations Unies. De ce fait, la mise en pratique de la responsabilité de protéger reste incertaine à ce jour.



Bibliographie

Sources citées :

ACLED Conflict Data, version 5 (1997-2014)


Assemblée Générale de l’ONU, Acte final du Sommet mondial, 2005


AXWORTHY Lloyd, « RtP and the Evolution of State Sovereignty », in J. Genser, I. Cotler (dir.), The Responsibility to Protect, Oxford, Oxford University Press, 2012


BELLAMY, A., “Responsabilité de protéger”, Polity, 2009


BRIAND Aristide, discours devant l’assemblée nationale du 1e mars 1929


House of Commons Foreign Affairs Committee, Libya: examination of intervention and collapse and the UK’s future policy options, troisième rapport de la sessions 2016-17


JEANGÈNE-VILMER Jean-Baptiste, La responsabilité de protéger, 2015


KALDOR, Mary, New and Old Wars : Organized Violence in a Global Era, 2012


Le Monde Diplomatique, Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle, avril 2019


Mandela.gov.za, Address by President Nelson Mandela to the Summit Meeting of Heads of State and Government of the Organisation for African Unity (OAU), Ouagadougou - Burkina Faso


ONU, Rapport sur le génocide au Rwanda, 1999

Secrétariat Général de l’ONU, Un engagement essentiel et constant : mise en oeuvre de la responsabilité de protéger (rapport), 2015

United Nations Population Fund, After Years of conflict, Yemen remains the world’s worst humanitarian crisis, a UNFPA 2021 appeal shows, 07 décembre 2020


Autres sources :


AMEUR Naim, La Libye entre les intérêts occidentaux et la résistance de Kadhafi, in Outre-Terre, 2011/3, n°29


BELLAMY A., The Responsability to protect turns ten, Cambridge University Press, 12/06/15


CREMADES Beatriz Escrina, La responsabilité de protéger et l’ONU, Chronique ONU


FRANCE TERRE D’ASILE, Du droit d’ingérence à la responsabilité de protéger


GAYE Cheikh, La responsabilité de protéger, sur Memoire Online


REUTERS, Executions, torture and slave markets persist in Libya: U.N., 21/03/2018


SIMONOVIC Ivan, La responsabilité de protéger, Chronique ONU


par Eva Beauvois 22 mars, 2022
 La religion musulmane, qui regroupe près d’un milliard et demi de fidèles, repose sur plusieurs dimensions touchant l’Homme au sein de sa société et de son époque : les dimensions théologiques et juridiques. Néanmoins, il existe une dimension de l’Islam qui permet, et incite, l’individu au détachement de son environnement pour se recentrer sur sa seule unicité avec Dieu : la dimension spirituelle, notamment matérialisée par la philosophie du soufisme. L’étymologie du terme, apparu vers la fin du IIe siècle de l’hégire, reste obscure. C’est notamment sur le mot sūfī qu’est formé en arabe tasawwuf (تصوّف) , littéralement « l’adoption des valeurs et des rites soufis », que le français a traduit par « soufisme ». De façon générale, il est néanmoins possible de le caractériser comme la recherche de la sagesse intérieure, visant à se rapprocher de façon évolutive de Dieu par de nobles vertus. La présentation de ce travail idéologique d’espérance du meilleur sera l’objet de cet article.
par Jâd Delozanne 08 mars, 2022
L'art de l'Espagne islamique est un fantasme orientaliste depuis que Washington Irving l'a redécouvert pour le monde occidental dans ses délicieux Contes de l'Alhambra, écrits en 1832. Mais la citadelle et le palais du XIIIe siècle, situés au sommet d'une colline surplombant Grenade, sont non seulement les monuments les plus connus de l'ère musulmane en Espagne, mais aussi les plus grands trésors de cette période. Les Omeyyades, ou Umayyades, (en arabe : الأمــــویــــون sont une dynastie arabe qui gouverne le monde musulman de 661 à 750 puis al-ʾAndalus de 756 à 1031. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre ʾUmayyah ibn ʿAbd Šams, grand-oncle du prophète Mahomet. Ils font partie des clans les plus puissants de la tribu de Qurayš, qui domine la Mecque. Al-Andalus était la partie de la péninsule ibérique sous domination musulmane. La péninsule ibérique désigne l'Espagne et le Portugal actuels. Dans sa plus grande extension géographique, Al-Andalus a placé sous son califat la majeure partie de la péninsule, l'actuel sud de la France et les cols alpins reliant l'Italie à l'Europe occidentale. Les musulmans ont régné sur la majeure partie de la péninsule jusqu'à la fin de la dynastie des Omeyyades au début du 11e siècle.
par Julien Groux 08 févr., 2022

 Considérées individuellement, les économies nationales ne semblent pas avoir été affectées de la même manière par la récession économique liée à la crise sanitaire. Celle-ci a montré les forces et les faiblesses, les capacités d’adaptation et de résilience, révélé les particularités de chaque économie. La crise est un moment où tout bascule, où apparaît un dysfonctionnement majeur. Si elle peut être une période de troubles, la crise peut aussi être un kaïros, un moment à saisir pour savoir et comprendre. Parce qu’elle révèle le réel , elle est une occasion formidable de s’interroger sur le fonctionnement d’une société. Pour dire simplement comme le fait le philosophe Charles Pépin, « c’est quand cela ne marche pas que nous nous demandons comment cela marche ». Ainsi, la crise sanitaire en ce qu’elle expose les singularités propres à chaque système économique conduit ici à s’intéresser, à travers la finance islamique, à la relation qu’il existe entre religion, notamment l’Islam, le droit et l’économie.

Alors que l’Islam était pour Max Weber un obstacle au développement économique, la finance islamique est aujourd’hui en plein essor. Relativement récente, elle a pour point de départ la création de la Banque islamique du développement en 1974 qui fait la promotion du développement économique dans les pays musulmans. Les banques occidentales s’intéressent à la finance islamique qui, bien que s’adressant en priorité aux musulmans reste ouverte sur le monde. La finance islamique passionne par son appartenance à une industrie financière éthique remise en lumière par la crise des subprimes de 2008. Les principes religieux s’inscrivent dans le droit qui régule l’activité bancaire islamique.

par Sofia Locquet 01 févr., 2022
En 1854, un diplomate français, Ferdinand de Lesseps, obtient l’autorisation de la part du khédive Mohammed Saïd de creuser et d’exploiter le canal maritime de Suez pendant 99 ans. Ce firman ouvre la voie à la création de la Compagnie de Suez, concession qui illustre l’intervention des puissances européennes en Égypte. Reliant la Mer Méditerranée et la Mer rouge, situé entre l’Europe et l’Asie, le canal est un lieu géostratégique majeur qui va servir à la fois les intérêts régionaux et commerciaux de l’Égypte ottomane et l’impérialisme européen.
par Eva Beauvois 07 déc., 2021

La culture marocaine s’exporte de plus en plus grâce à la mondialisation et ses relais, tels qu’internet et les médias. Le roi Mohammed VI a par ailleurs proposé depuis le début de son règne une politique étrangère fondée sur le libre-échange des biens, services et arts ainsi que sur le dialogue avec nombre de pays européens. Cette ouverture progressive tend à favoriser toutes les couches de la société marocaine ainsi que ses manifestations artistiques, comme celle qu’est le rap.

Cette évolution du rap marocain profite à l’entièreté du monde arabophone et à son économie. Elle se justifie par la véritable ascension d’une unité artistique puissance. Néanmoins, les premiers acteurs de cette puissance, les artistes, font face à certains obstacles politiques et institutionnels censurant leur art ou leur empêchant de gagner décemment leur vie. Fort heureusement, les supports médiatiques et leur source inépuisable de créativité permettent aux artistes marocains de faire porter leur art le plus loin possible et aux oreilles des plus chanceux. L’objectif de cet article est de témoigner de l’élévation de la culture rap marocaine sur une grande scène, celle du Maroc et potentiellement celle de l’Europe ainsi que de la volonté sans faille des artistes marocains.


par Housni Ahamada 16 nov., 2021
 Dans la continuité de son programme Vision 2030, le Royaume d’Arabie Saoudite a, le 25 août 2021, annoncé le lancement d’une série de partenariats, d’une valeur de plus de 4 milliards de riyals saoudiens (900 millions d’euros), avec les plus grandes entreprises technologiques du monde. Selon Saudi Press Agency, les objectifs fixés par le royaume sont d’améliorer les capacités numériques, de se doter d’une main d'œuvre qualifiée en encourageant la recherche et le développement afin de faire du pays un hub mondial de l’innovation numérique.

Ce récent évènement montre l’ambition de l’Arabie Saoudite, mais plus généralement des pays arabes, dans la course mondiale à l’innovation technologique et plus particulièrement dans le secteur de l’intelligence artificielle. Machine learning, deep learning, voitures autonomes, reconnaissance faciale, villes intelligentes et même robots pour certains ; les grandes puissances de ce monde sont entrées dans une course à l’innovation dans l’intelligence artificielle, considérée comme la quatrième grande industrialisation. Bien que selon Neil Sauvage, du Nature 2020 Index Artificial Intelligence, la Chine, les Etats-Unis et l’Europe se partagent le podium des leaders mondiaux du domaine, les pays arabes ne veulent également pas non plus rater cette opportunité estimée selon la société d’audit PricewaterhouseCoopers, à 15 700 milliards de dollars de contribution à l’économie mondiale d’ici 2030 dont 320 milliards pour la région Middle East North Africa.

 Dans cette folle course à la nouvelle industrialisation, trois pays se distinguent dans le monde arabe par leur potentiel à s’imposer comme de futurs hubs de l’intelligence artificielle dans la région. Ce sont les Emirats arabes Unis, l’Arabie Saoudite ainsi que l’Egypte. En effet, selon les recherches du PwC, la part estimée de l’IA d’ici 2030 dans le PIB des Emirats Arabes Unis est estimée à 13,6%, presque autant que les économies d’Amérique du Nord dont la part d’ici 2030 est estimée à 14,5%, à 12,5% pour l’Arabie Saoudite et enfin à 7,7% pour l’Egypte. Toutefois, ces prévisions réjouissantes ne sont que des prévisions et il s’agit maintenant aux concernés de mettre en place tout ce qu’il y a en leur pouvoir pour les réaliser. Signe révélateur que le message a été reçu : les gouvernements saoudiens et émiratis ont placé l’IA au centre de leurs stratégies économiques avec, respectivement, le programme Vision 2030 pour l’un, et le programme Artificial Intelligence Strategy 2031 pour l’autre. Le gouvernement égyptien a également donné une priorité à l’IA dans sa stratégie économique en voulant la développer au maximum.

Mais quelles sont réellement les raisons qui poussent ces gouvernements à donner autant d’importance au développement de l’IA ? Quels sont les moyens mis en place ? Y a -t-il déjà des résultats ? Ont-ils vraiment les moyens de leurs ambitions ? Quels sont les obstacles ?

Il s’agira de montrer dans cet article comment l’IA placée par ces gouvernements ambitieux en tant que priorité nationale entraîne la mise en place de projets pharamineux, devant toutefois faire face à des obstacles politiques et technologiques.

L’ intelligence artificielle : une priorité de gouvernements ambitieux

Quelles sont les raisons poussant les gouvernements arabes à investir dans l’intelligence artificielle ?

Un « cadeau empoisonné » . Voilà comment maintes économistes décrivent la rente pétrolière et gazière sur lesquelles reposent les économies du Golfe et ce en raison de la volatilité des prix de ces énergies mais également en réponse au développement constant d’énergies alternatives prêtes à supplanter les gaz et le pétrole. Il est urgent pour l’Arabie saoudite ainsi que pour les EAU de préparer la diversification de leurs économies afin de préparer leur économie à une nouvelle ère. L’investissement dans la technologie de l’IA représente donc une voie logique à suivre en ce qu’elle représente une opportunité de plus de 320 milliards de dollars pour les 10 ans à venir. De l’autre côté, l’ Egypte possède une économie certes diversifiée, mais qui se doit de redécoller après les nombreuses crises politiques de cette dernière décennie ayant paralysées le développement économique du pays. L’IA représente une voie privilégiée par son potentiel: d’ici dix ans, elle est susceptible de rapporter près de 43 milliards de dollars pour le pays.

Comment investissent-ils dans l’intelligence artificielle ? Quels sont les moyens mis en place ?

 De ces constats, les gouvernements ont fait du développement de toutes les technologies liées à l’IA des priorités nationales.

 Ainsi, en Arabie Saoudite, la stratégie gouvernementale pour l’IA se fonde principalement sur le projet Vision 2030 de diversification de l’économie. À celui-ci, s’ajoute un programme du nom de National Strategy for Data and AI (NSDAI) révélé en octobre 2020 à Riyadh lors du sommet Global de l’IA. L’objectif affiché par Riyad est de transformer pour 2030 le pays en hub mondial de l’intelligence artificielle en réformant totalement tous ses secteurs économiques afin de devenir “IA compatible”. Cette initiative gouvernementale s’accompagne donc de nombreux investissements du Fond Public Saoudien d’Investissement dans les industries, les secteurs privés et dans la mise en place de partenariats publics-privés en vue de développer l’intelligence artificielle. Cette année par exemple, le pays a formé des partenariats avec Google, Amazon et Oracle dans le but de, selon Saudi Press Agency, mettre en place des “programmes de formation" pour les étudiants saoudiens. L’objectif est ambitieux et les moyens de cette stratégie gouvernementale sont colossaux.

 Lors du sommet global saoudien de l’intelligence artificielle, le Président saoudien de l’Autorité des données et de l’intelligence artificielle a déclaré : « La stratégie nationale pour les données et l'IA définit l'orientation et les bases sur lesquelles nous allons libérer le potentiel des données et de l'IA pour répondre à nos priorités de transformation nationales et faire de l'Arabie saoudite une plaque tournante mondiale pour les données et l'IA. »
Quant aux Emirats Arabes Unis, la stratégie gouvernementale pour l’IA repose sur le programme Artificial Intelligence Strategy 2031 révélée en 2017. Le but affiché est d’accompagner la transformation digitale du pays pour faire des EAU un hub mondial de l'investissement dans l’intelligence artificielle dans de nombreux secteurs d’une manière “intelligente” et “éthique” en créant un système numérique intelligent pour le centenaire du pays en 2071. De ce fait, le pays a été le premier dans le monde à mettre en place, en 2017, un ministère consacré spécialement à l'IA aux côtés de la création de la Muhammad Ben Zayed University of Artificial Intelligence afin de répondre aux ambitions affichées.
Enfin, en Egypte, le gouvernement a, en 2019, instauré le Conseil National pour l’Intelligence Artificielle dans une logique de partenariats public-privé entre le gouvernement, les universités et les secteurs privés de l’IA. L’université Kafr El Sheikh a ouvert une faculté de l’IA sous l’impulsion gouvernementale. L’objectif affiché par le Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication est d’identifier par la recherche les secteurs prioritaires nécessitant l’IA afin de mettre en place un système de l’IA “durable” et “intelligent” dans l'optique de donner au pays un rôle de “leader régional de l’IA”.
par Jean-Baptiste Dubois 20 oct., 2021

Propos introductif


 Au-delà du fait que Djibouti se situe sur le continent africain, ce pays mérite d'être abordé dans le cadre d'une analyse sur le monde arabe. En effet, les divers enjeux qui se jouent autour de ce territoire méritent une attention toute particulière pour comprendre une partie des dynamiques politiques actuelles dans le monde arabe. 

À ce titre, l’ambition djiboutienne de siéger au sein du conseil de sécurité de l’ONU, pour 2021-2022, témoigne de la volonté de son gouvernement de s’imposer sur la scène internationale et d'y représenter une voix africaine. Cette ambition s’inscrit dans le jeu de puissance qui s'opère au sein de ce territoire, mais avant d’aller plus loin dans les explications sur les motivations animant les dynamiques de ce pays, il convient d’apporter quelques éléments de définition et de contexte.

Tout d’abord, sur le volet géographique, Djibouti a une superficie de 23 200 km². En comparaison, celle de la France est de 643 801 km. Les villes principales de Djibouti sont Ali Sabieh, Dikhil, Arta, Tadjoura et Djibouti qui est la capitale du pays. Les langues officielles sont le français et l’arabe. La devise est le franc djiboutien (1€ = 208 FD, en 2018). Djibouti recense une population de 1 000 000 d’habitants en 2017 selon la Banque mondiale. Elle enregistre une croissance démographique de +1,6%/an. Un peu plus de la moitié de la population est alphabétisée (54,5% en 2015) et la religion majoritaire est l’Islam (96% du pays selon France Diplomatie). Avec son PIB de 1,97 milliard de US$, Djibouti se place au rang de la 49e puissance économique du continent africain sur 54.

Toutefois, Djibouti présente un intérêt des plus stratégiques, à savoir, sa position sur le détroit de Bab-el-Mandeb, un des corridors les plus fréquentés au monde qui contrôle l’accès à la Mer rouge. De surcroît, Djibouti est situé au cœur de l’arc de crise qui s’étend du Sahel au Moyen-Orient. Ses nombreuses crises régionales démontrent l’instabilité de la péninsule, d’où un certain engouement des puissances étrangères à intervenir en son sein.

Mais est-ce vraiment la raison primordiale ? Ces puissances étrangères sont-elles réellement motivées par la volonté de stabiliser cet État et sa région ? Ou bien ces interventions et cette présence extérieure attestent seulement d’une volonté de contrôler et de servir au mieux des intérêts qui façonnent le jeu des États ? Djibouti, au fond, ne serait-elle pas qu’une pièce maîtresse dans la conception prochaine du Moyen-Orient et du Sahel ?

Bien que ces interrogations soulèvent des questions fondamentales voire propices à des débats animés, il est nécessaire d’apporter des éléments historiques (I) dans le but d’identifier les raisons pour lesquelles les puissances extérieures agissent en son sein (II) qui viendront façonner un futur plus ou moins incertain pour la République de Djibouti et pour le Moyen-Orient (III).

par Jean-Baptiste Dubois 24 mai, 2021
Le monde arabe est loin d’être un élément figé aussi bien physiquement qu’idéologiquement. Dans une société caractérisée par des mouvements incessants de flux et d’échanges, s’intéresser à la diffusion de dogmes trouve toute sa pertinence pour mieux saisir les enjeux qui façonnent cette partie du globe. C’est dans cette logique que l’association Assas Monde Arabe se penche sur la question du terrorisme islamique au Mozambique.
par Seki Courcoux 11 mai, 2021
Les membres d'Assas Monde Arabe se présentent à vous, à-travers les ouvrages sur le Monde Arabe qui les ont marqués.
par Killian Cochet 23 avr., 2021

En 2005, pour le 60e anniversaire de l’ONU, l’Assemblée Générale des Nations Unies a écrit une page déterminante de l’histoire du droit international. Par un vote unanime, les Etats membres ont adopté dans l’acte final du Sommet mondial un concept promu depuis des années par des juristes et des acteurs humanitaires internationaux : la responsabilité de protéger (souvent abrégée en R2P pour Responsability to Protect). Cette responsabilité impose aux États et, le cas échéant, à la communauté internationale, de protéger les populations contre les crimes graves qui peuvent être commis à leur encontre.


La responsabilité de protéger a marqué une évolution décisive dans la conception juridique des relations internationales. L’espace supranational est régi depuis près de quatre siècles par le “système westphalien”, tiré du Traité de Westphalie de 1648 qui conclut la Guerre de Trente Ans. Ce système est caractérisé par une double définition de la souveraineté des Etats : une souveraineté externe qui s’exprime par une égalité de droit entre les Etats et une souveraineté interne qui confère à chaque Etat une autorité exclusive sur sa population et son territoire. Ce système a connu un important développement au XXe siècle, particulièrement concernant la souveraineté externe. De l’Entre-Deux-Guerres à l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale, divers acteurs ont tenté de donner sa pleine puissance au concept de souveraineté externe en mettant “la guerre hors-la-loi” (Expression du ministre des Affaires Etrangères français, Aristide Briand, lors de sa présentation du pacte Kellog-Briand à l’Assemblée Nationale le 1er mars 2029), que ce soit par le Pacte Kellog-Briand ou par la Charte des Nations Unis. En revanche, le volet interne de la souveraineté demeurait l’angle mort du développement sécuritaire des Nations Unies. A l’exception de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide de 1948, peu de règles internationales régissaient les rapports entre un Etat et ses populations.


Néanmoins, à la sortie de la Guerre Froide, les conflits intra-étatiques et la protection des droits humains sont redevenus un enjeu majeur du droit international. Les années 1990 sont marquées par deux crises humanitaires que sont la guerre civile de Yougoslavie (1991-2001) et la guerre civile Rwandaise (1990-1994) qui prit un tournant génocidaire dans sa dernière année avec le massacre de près de 800 000 Tutsis et Hutus accusés de sympathiser avec l’ethnie massacrée (Rapport de l’ONU sur le génocide au Rwanda, 1999 : “Quelque 800 000 personnes ont été massacrées lors du génocide de 1994 au Rwanda”). Dans ce contexte de conflits internes, qu’ils soient hérités de la Décolonisation et de la Guerre Froide ou qu’ils s’agissent des “Nouvelles Guerres” caractéristiques de l’espace international post-Guerre Froide (KALDOR, Mary, New and Old Wars : Organized Violence in a Global Era, 2012), des acteurs politiques et humanitaires internationaux ont promu une évolution du droit pour prévenir de futurs excès de violence d’une telle ampleur.

Dès 1987, un colloque international organisé par la faculté de droit de Paris-Sud fait adopter à l’unanimité une résolution affirmant que “devraient être reconnus [...] par tous les Etats membres de la communauté internationale, à la fois le droit des victimes à l’assistance humanitaire et l’obligation des Etats d’y apporter leur contribution”. Cette résolution, qui sera portée plus tard devant les Nations Unies par la France, a notamment obtenu le soutien du juriste international de renom Mario Bettati et du fondateur de Médecins Sans Frontières Bernard Kouchner. Tandis que cette idée de “droit d’ingérence humanitaire” se répandait, deux discours allaient accélérer le passage au droit positif d’un concept de protection internationale des populations dans un cadre étatique.

Le premier fut donné par le Président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, au Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine à Ouagadougou, Burkina-Faso, en 1998. Nelson Mandela argumentait dans ce discours que le continent africain, partageant la marque du colonialisme et le néo-colonialisme, formait une communauté de destin et devait, en tant que tel, assurer communément la paix et la stabilité en son sein. Nelson Mandela, insistant sur la gestion commune de la sécurité qu’il promouvait pour le continent africain, affirmait qu’il était inacceptable “d’abuser du concept de souveraineté nationale pour nier au reste du continent le droit et le devoir d’intervenir, quand, au sein de cette souveraineté, le peuple est massacré pour protéger la tyrannie”.

Le second discours est celui du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, devant l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2000 alors que le débat autour de l’intervention humanitaire divise la communauté internationale. A cette occasion, il déclara “s’il l’intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l’homme, qui vont à l’encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d’être humain ?”. Ce discours marqua le début du processus de formalisation de la responsabilité de protéger et son intégration finale au droit international promu par les Nations Unies.

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