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Le Moyen-Orient, un futur hub d'intelligence artificielle ambitieux et prometteur

  • par Housni Ahamada
  • 16 nov., 2021
 Dans la continuité de son programme Vision 2030, le Royaume d’Arabie Saoudite a, le 25 août 2021, annoncé le lancement d’une série de partenariats, d’une valeur de plus de 4 milliards de riyals saoudiens (900 millions d’euros), avec les plus grandes entreprises technologiques du monde. Selon Saudi Press Agency, les objectifs fixés par le royaume sont d’améliorer les capacités numériques, de se doter d’une main d'œuvre qualifiée en encourageant la recherche et le développement afin de faire du pays un hub mondial de l’innovation numérique.

Ce récent évènement montre l’ambition de l’Arabie Saoudite, mais plus généralement des pays arabes, dans la course mondiale à l’innovation technologique et plus particulièrement dans le secteur de l’intelligence artificielle. Machine learning, deep learning, voitures autonomes, reconnaissance faciale, villes intelligentes et même robots pour certains ; les grandes puissances de ce monde sont entrées dans une course à l’innovation dans l’intelligence artificielle, considérée comme la quatrième grande industrialisation. Bien que selon Neil Sauvage, du Nature 2020 Index Artificial Intelligence, la Chine, les Etats-Unis et l’Europe se partagent le podium des leaders mondiaux du domaine, les pays arabes ne veulent également pas non plus rater cette opportunité estimée selon la société d’audit PricewaterhouseCoopers, à 15 700 milliards de dollars de contribution à l’économie mondiale d’ici 2030 dont 320 milliards pour la région Middle East North Africa.

 Dans cette folle course à la nouvelle industrialisation, trois pays se distinguent dans le monde arabe par leur potentiel à s’imposer comme de futurs hubs de l’intelligence artificielle dans la région. Ce sont les Emirats arabes Unis, l’Arabie Saoudite ainsi que l’Egypte. En effet, selon les recherches du PwC, la part estimée de l’IA d’ici 2030 dans le PIB des Emirats Arabes Unis est estimée à 13,6%, presque autant que les économies d’Amérique du Nord dont la part d’ici 2030 est estimée à 14,5%, à 12,5% pour l’Arabie Saoudite et enfin à 7,7% pour l’Egypte. Toutefois, ces prévisions réjouissantes ne sont que des prévisions et il s’agit maintenant aux concernés de mettre en place tout ce qu’il y a en leur pouvoir pour les réaliser. Signe révélateur que le message a été reçu : les gouvernements saoudiens et émiratis ont placé l’IA au centre de leurs stratégies économiques avec, respectivement, le programme Vision 2030 pour l’un, et le programme Artificial Intelligence Strategy 2031 pour l’autre. Le gouvernement égyptien a également donné une priorité à l’IA dans sa stratégie économique en voulant la développer au maximum.

Mais quelles sont réellement les raisons qui poussent ces gouvernements à donner autant d’importance au développement de l’IA ? Quels sont les moyens mis en place ? Y a -t-il déjà des résultats ? Ont-ils vraiment les moyens de leurs ambitions ? Quels sont les obstacles ?

Il s’agira de montrer dans cet article comment l’IA placée par ces gouvernements ambitieux en tant que priorité nationale entraîne la mise en place de projets pharamineux, devant toutefois faire face à des obstacles politiques et technologiques.

L’ intelligence artificielle : une priorité de gouvernements ambitieux

Quelles sont les raisons poussant les gouvernements arabes à investir dans l’intelligence artificielle ?

Un « cadeau empoisonné » . Voilà comment maintes économistes décrivent la rente pétrolière et gazière sur lesquelles reposent les économies du Golfe et ce en raison de la volatilité des prix de ces énergies mais également en réponse au développement constant d’énergies alternatives prêtes à supplanter les gaz et le pétrole. Il est urgent pour l’Arabie saoudite ainsi que pour les EAU de préparer la diversification de leurs économies afin de préparer leur économie à une nouvelle ère. L’investissement dans la technologie de l’IA représente donc une voie logique à suivre en ce qu’elle représente une opportunité de plus de 320 milliards de dollars pour les 10 ans à venir. De l’autre côté, l’ Egypte possède une économie certes diversifiée, mais qui se doit de redécoller après les nombreuses crises politiques de cette dernière décennie ayant paralysées le développement économique du pays. L’IA représente une voie privilégiée par son potentiel: d’ici dix ans, elle est susceptible de rapporter près de 43 milliards de dollars pour le pays.

Comment investissent-ils dans l’intelligence artificielle ? Quels sont les moyens mis en place ?

 De ces constats, les gouvernements ont fait du développement de toutes les technologies liées à l’IA des priorités nationales.

 Ainsi, en Arabie Saoudite, la stratégie gouvernementale pour l’IA se fonde principalement sur le projet Vision 2030 de diversification de l’économie. À celui-ci, s’ajoute un programme du nom de National Strategy for Data and AI (NSDAI) révélé en octobre 2020 à Riyadh lors du sommet Global de l’IA. L’objectif affiché par Riyad est de transformer pour 2030 le pays en hub mondial de l’intelligence artificielle en réformant totalement tous ses secteurs économiques afin de devenir “IA compatible”. Cette initiative gouvernementale s’accompagne donc de nombreux investissements du Fond Public Saoudien d’Investissement dans les industries, les secteurs privés et dans la mise en place de partenariats publics-privés en vue de développer l’intelligence artificielle. Cette année par exemple, le pays a formé des partenariats avec Google, Amazon et Oracle dans le but de, selon Saudi Press Agency, mettre en place des “programmes de formation" pour les étudiants saoudiens. L’objectif est ambitieux et les moyens de cette stratégie gouvernementale sont colossaux.

 Lors du sommet global saoudien de l’intelligence artificielle, le Président saoudien de l’Autorité des données et de l’intelligence artificielle a déclaré : « La stratégie nationale pour les données et l'IA définit l'orientation et les bases sur lesquelles nous allons libérer le potentiel des données et de l'IA pour répondre à nos priorités de transformation nationales et faire de l'Arabie saoudite une plaque tournante mondiale pour les données et l'IA. »
Quant aux Emirats Arabes Unis, la stratégie gouvernementale pour l’IA repose sur le programme Artificial Intelligence Strategy 2031 révélée en 2017. Le but affiché est d’accompagner la transformation digitale du pays pour faire des EAU un hub mondial de l'investissement dans l’intelligence artificielle dans de nombreux secteurs d’une manière “intelligente” et “éthique” en créant un système numérique intelligent pour le centenaire du pays en 2071. De ce fait, le pays a été le premier dans le monde à mettre en place, en 2017, un ministère consacré spécialement à l'IA aux côtés de la création de la Muhammad Ben Zayed University of Artificial Intelligence afin de répondre aux ambitions affichées.
Enfin, en Egypte, le gouvernement a, en 2019, instauré le Conseil National pour l’Intelligence Artificielle dans une logique de partenariats public-privé entre le gouvernement, les universités et les secteurs privés de l’IA. L’université Kafr El Sheikh a ouvert une faculté de l’IA sous l’impulsion gouvernementale. L’objectif affiché par le Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication est d’identifier par la recherche les secteurs prioritaires nécessitant l’IA afin de mettre en place un système de l’IA “durable” et “intelligent” dans l'optique de donner au pays un rôle de “leader régional de l’IA”.
L’université Kafr El Sheikh en Egypte
Quels résultats depuis la lancée des programmes ?


 Annoncées seulement il y a quelques années, les stratégies nationales pour l’IA portent déjà leurs fruits.
Pour l’Arabie Saoudite, selon le rapport Global Index AI du Tortoise Media Intelligence, le royaume est passé de la 29ème à la 22ème place mondiale des pays les mieux préparés au développement de l’IA lors des années 2019-2020. Il est classé premier dans la région MENA, deuxième mondial dans la catégorie “stratégie gouvernementale” et 12e mondial dans la catégorie “recherche et développement”. Le Président de la SDAIA a déclaré : “La progression de sept places du Royaume dans l'indice Global AI Index, en un an, a confirmé le soutien constant du gouvernement à ce secteur pivot, au niveau national.”

 À ce titre, le gouvernement a été le premier à offrir la citoyenneté à un robot nommé Sophia. Il a également développé, lors de l’épidémie de la COVID-19, une solution appuyée sur l'IA pour, selon le magazine Wired Middle East, parcourir ses bases de données de soins de santé et hiérarchiser la distribution des vaccins en fonction de l'âge, de la profession, des antécédents d'infection, de l'état de grossesse, du poids corporel et des maladies chroniques.
Pour les EAU, les résultats sont également significatifs. Selon The Fintech Times, l’émirat de Dubaï a, entre 2015 et 2018 attiré plus de 21,6 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur de l’IA, soit le montant le plus élevé au monde. Le cadre idéal des affaires offert par l’émirat révèle des résultats probants dans le secteur. À cela s'ajoutent les applications de l’IA développées nationalement dans l’émirat d’Abu Dhabi qui apportent dores et déjà des rendements économiques. Par exemple, la National Oil Company d'Abu Dhabi (ADNOC) a, selon Tasnim Al-Mzaini, généré plus d'un milliard de dollars de valeur commerciale en trois ans grâce à l’ exploitation d’un système d'apprentissage automatique nommé Panorama et appliqué sur des téraoctets de données accumulés par la société depuis sa fondation.

Des projets uniques et novateurs des Smart Cities

 Mais tout cela ne suffit pas, les pays envisagent également de faire la course dans l’un des domaines les plus en vogue de l’IA : les smarts cities, les villes intelligentes. La volonté derrière ce projet est de tourner les yeux du monde vers eux et de montrer leurs ambitions dans la course à l’IA.
Dans ce cadre, l’Arabie Saoudite a dévoilé son projet “NEOM” ou “The Line”, le plus grand projet mondial de smart city.

C’est une ville futuriste totalement intelligente et dans laquelle le gouvernement saoudien est prêt à investir plus de 500 milliards de dollars. La ville qui s’étendra sur plus de 170 kilomètres sera en forme de ligne, accueillera 1 million d’habitants et sera organisée de telle sorte que chaque service essentiel soit à moins de 5 minutes. A Neom, il n'y aura ni voitures ni rues mais des systèmes de transport souterrains autonomes et intelligents qui permettront de traverser les 170 kilomètres de la ville en moins de 5 minutes. Une lune artificielle est également prévue, des plages phosphorescentes ainsi que des cours donnés par des professeurs en hologramme qui sont physiquement à l’autre bout du monde. L’objectif est ainsi de remplacer, selon le journal l’ADN, tous les “services publiques obsolètes” par de l’intelligence artificielle.


Localisation de NEOM en Arabie Saoudite, au bord de la Mer Rouge
 L'Egypte a également lancé son projet de ville futuriste, une nouvelle capitale administrative située non loin du Caire qui a pour finalité de désengorger l’actuelle capitale. Elle coûtera entre 45 et 50 milliards de dollars et accueillera plus de 6.5 millions d’habitants sur une surface de plus de 700 km². L’intelligence artificielle sera utilisée dans tous les domaines : des bâtiments intelligents pour réduire le coût de l’énergie, une surveillance intelligente du trafic, et un système reliant les bâtiments entre eux par le biais de l’Artificial Intelligence of Things (AIoT).

 Aux Emirats Arabes Unis, pas de nouvelle ville, mais une transformation digitale de fond en comble de la ville de Dubaï dans le cadre du projet “Smart Dubaï”. En effet, selon le PwC, l’objectif de “Smart Dubaï” est de transformer la ville par l’innovation digitale en mettant notamment en place un système de transports autonomes ayant pour ambition de réduire le coût des transports de 44 points ou encore les émissions de carbone et les accidents de 12 points. De plus, la technologie de l'impression 3D sera également utilisée dans le champ des constructions immobilières pour avoir plus de 25% des immeubles de la ville construits en impression 3D.
Un poste de police intelligent à Dubaï. Le premier du Moyen-Orient.
 Tous ces projets ont pour ambition d’être prêts pour l’horizon 2030 et le monde arabe est en avance dans ce domaine car, à la différence de nombreuses smart-cities futuristes annoncées par différents pays qui sont toujours en stand-by, les travaux émiratis, saoudiens et égyptiens, ont eux déjà commencé.

Les obstacles à franchir

 Malgré toutes ces ambitions, il reste encore des obstacles politiques et technologiques à surmonter pour ces pays. Les projets de smart cities sont très critiqués. Celui de l’Arabie Saoudite reçoit de vives critiques internationales car il va avoir pour effet de, selon The Guardian, déplacer 20 000 membres de la tribu des Howeitat, installée dans la région depuis plusieurs générations, et ce sans relogement. Tandis, qu’en Egypte, des critiques s’élèvent quant à l’opportunité du projet dans un contexte de crise économique et la capacité technique de l’Egypte de livrer la ville avec toutes les technologies promises. Pour l'opposition, il y aurait des choses plus urgentes que la construction d’une ville à un coût exorbitant.

 Par ailleurs, selon le Wall Street Journal, qui a pu consulter 2 300 pages de documents confidentiels issus des travaux des sociétés de conseil appuyant l’Arabie Saoudite sur le projet, il existe des doutes concernant l’'intégralité des innovations promises par Mohammed Ben Salmane soient menées à bout en raison des limitations financières ou technologiques. La moitié des technologies ne seraient même pas prêtes ! De ce fait, comme les autres pays de la région, l'Arabie Saoudite souffre d’un manque de capital technique et d’ingénieurs nationaux. Mais, contrairement aux Emirats, elle subit une absence d’investissements directs étrangers : en 2017, le pays est classé 92ème sur 190 dans l’Indice de la facilité de faire des affaires de la Banque Mondiale.

 Dans le domaine de l’IA, tout tourne autour d’une poignée de professeurs et d’ingénieurs, souvent occidentaux, qui mènent la marche de la recherche, comme le professeur français Yann Le Cun de l’Université de New York et directeur du Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR). Le défi majeur de ces pays est donc d’arriver à former un panel d’ingénieurs et professeurs susceptible de les libérer de la dépendance qu’ils ont aux ingénieurs et investissements étrangers. Pour Hakima Bedouani de Arab News, l’enjeu est d’arriver à créer une “économie de savoir”. Cela explique l’ouverture de la Muhammad Ben Zayed Artificial Intelligence University, l’ambition de l’Arabie Saoudite de former un 1 ingénieur sur 100 saoudiens d’ici 2030 et l’ouverture d’une faculté d’intelligence artificielle à l'Université de Charm El-Cheikh en Egypte.

La course au sommet à la quatrième industrialisation est lancée et le monde arabe possède ses représentants.






Sources

https://www.mygreatlearning.com/blog/the-potential-impact-of-artificial-intelligence-in-the-middle-e...

Arabie saoudite : The Line, une smart-city sans voiture en pleine nature
Smart city dans le désert : l'Égypte construit une nouvelle capitale

Egypt’s new capital - a smart city in the making

https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/the-line/

https://www.objetconnecte.com/top-5-smart-city-2020

https://thearabweekly.com/egypt-plans-high-tech-leap-smart-city-design-new-capital

https://www.medicis-patrimoine.com/actualites-immobilier-neuf/marche-de-l-immobilier/2021/03/09/3460...

https://interestingengineering.com/a-smart-city-in-the-desert-egypt-is-building-a-new-capital

https://www.spa.gov.sa/viewfullstory.php?lang=en&newsid=2277194

https://www.theparliamentmagazine.eu/news/article/why-the-middle-east-is-fast-becoming-a-hub-of-arti...

Artificial Intelligence Strategy In The Middle East  

https://www.pwc.com/m1/en/publications/potential-impact-artificial-intelligence-middle-east.html
Artificial Intelligence in the Arab World

https://www.arabnews.fr/node/20986/monde-arabe

https://www.france24.com/fr/20190727-arabie-saoudite-mohammed-ben-salmane-mbs-neom-ville-futur
par Eva Beauvois 22 mars 2022
 La religion musulmane, qui regroupe près d’un milliard et demi de fidèles, repose sur plusieurs dimensions touchant l’Homme au sein de sa société et de son époque : les dimensions théologiques et juridiques. Néanmoins, il existe une dimension de l’Islam qui permet, et incite, l’individu au détachement de son environnement pour se recentrer sur sa seule unicité avec Dieu : la dimension spirituelle, notamment matérialisée par la philosophie du soufisme. L’étymologie du terme, apparu vers la fin du IIe siècle de l’hégire, reste obscure. C’est notamment sur le mot sūfī qu’est formé en arabe tasawwuf (تصوّف) , littéralement « l’adoption des valeurs et des rites soufis », que le français a traduit par « soufisme ». De façon générale, il est néanmoins possible de le caractériser comme la recherche de la sagesse intérieure, visant à se rapprocher de façon évolutive de Dieu par de nobles vertus. La présentation de ce travail idéologique d’espérance du meilleur sera l’objet de cet article.
par Jâd Delozanne 8 mars 2022
L'art de l'Espagne islamique est un fantasme orientaliste depuis que Washington Irving l'a redécouvert pour le monde occidental dans ses délicieux Contes de l'Alhambra, écrits en 1832. Mais la citadelle et le palais du XIIIe siècle, situés au sommet d'une colline surplombant Grenade, sont non seulement les monuments les plus connus de l'ère musulmane en Espagne, mais aussi les plus grands trésors de cette période. Les Omeyyades, ou Umayyades, (en arabe : الأمــــویــــون sont une dynastie arabe qui gouverne le monde musulman de 661 à 750 puis al-ʾAndalus de 756 à 1031. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre ʾUmayyah ibn ʿAbd Šams, grand-oncle du prophète Mahomet. Ils font partie des clans les plus puissants de la tribu de Qurayš, qui domine la Mecque. Al-Andalus était la partie de la péninsule ibérique sous domination musulmane. La péninsule ibérique désigne l'Espagne et le Portugal actuels. Dans sa plus grande extension géographique, Al-Andalus a placé sous son califat la majeure partie de la péninsule, l'actuel sud de la France et les cols alpins reliant l'Italie à l'Europe occidentale. Les musulmans ont régné sur la majeure partie de la péninsule jusqu'à la fin de la dynastie des Omeyyades au début du 11e siècle.
par Julien Groux 8 février 2022

 Considérées individuellement, les économies nationales ne semblent pas avoir été affectées de la même manière par la récession économique liée à la crise sanitaire. Celle-ci a montré les forces et les faiblesses, les capacités d’adaptation et de résilience, révélé les particularités de chaque économie. La crise est un moment où tout bascule, où apparaît un dysfonctionnement majeur. Si elle peut être une période de troubles, la crise peut aussi être un kaïros, un moment à saisir pour savoir et comprendre. Parce qu’elle révèle le réel , elle est une occasion formidable de s’interroger sur le fonctionnement d’une société. Pour dire simplement comme le fait le philosophe Charles Pépin, « c’est quand cela ne marche pas que nous nous demandons comment cela marche ». Ainsi, la crise sanitaire en ce qu’elle expose les singularités propres à chaque système économique conduit ici à s’intéresser, à travers la finance islamique, à la relation qu’il existe entre religion, notamment l’Islam, le droit et l’économie.

Alors que l’Islam était pour Max Weber un obstacle au développement économique, la finance islamique est aujourd’hui en plein essor. Relativement récente, elle a pour point de départ la création de la Banque islamique du développement en 1974 qui fait la promotion du développement économique dans les pays musulmans. Les banques occidentales s’intéressent à la finance islamique qui, bien que s’adressant en priorité aux musulmans reste ouverte sur le monde. La finance islamique passionne par son appartenance à une industrie financière éthique remise en lumière par la crise des subprimes de 2008. Les principes religieux s’inscrivent dans le droit qui régule l’activité bancaire islamique.

par Sofia Locquet 1 février 2022
En 1854, un diplomate français, Ferdinand de Lesseps, obtient l’autorisation de la part du khédive Mohammed Saïd de creuser et d’exploiter le canal maritime de Suez pendant 99 ans. Ce firman ouvre la voie à la création de la Compagnie de Suez, concession qui illustre l’intervention des puissances européennes en Égypte. Reliant la Mer Méditerranée et la Mer rouge, situé entre l’Europe et l’Asie, le canal est un lieu géostratégique majeur qui va servir à la fois les intérêts régionaux et commerciaux de l’Égypte ottomane et l’impérialisme européen.
par Eva Beauvois 7 décembre 2021

La culture marocaine s’exporte de plus en plus grâce à la mondialisation et ses relais, tels qu’internet et les médias. Le roi Mohammed VI a par ailleurs proposé depuis le début de son règne une politique étrangère fondée sur le libre-échange des biens, services et arts ainsi que sur le dialogue avec nombre de pays européens. Cette ouverture progressive tend à favoriser toutes les couches de la société marocaine ainsi que ses manifestations artistiques, comme celle qu’est le rap.

Cette évolution du rap marocain profite à l’entièreté du monde arabophone et à son économie. Elle se justifie par la véritable ascension d’une unité artistique puissance. Néanmoins, les premiers acteurs de cette puissance, les artistes, font face à certains obstacles politiques et institutionnels censurant leur art ou leur empêchant de gagner décemment leur vie. Fort heureusement, les supports médiatiques et leur source inépuisable de créativité permettent aux artistes marocains de faire porter leur art le plus loin possible et aux oreilles des plus chanceux. L’objectif de cet article est de témoigner de l’élévation de la culture rap marocaine sur une grande scène, celle du Maroc et potentiellement celle de l’Europe ainsi que de la volonté sans faille des artistes marocains.


par Jean-Baptiste Dubois 20 octobre 2021

Propos introductif


 Au-delà du fait que Djibouti se situe sur le continent africain, ce pays mérite d'être abordé dans le cadre d'une analyse sur le monde arabe. En effet, les divers enjeux qui se jouent autour de ce territoire méritent une attention toute particulière pour comprendre une partie des dynamiques politiques actuelles dans le monde arabe. 

À ce titre, l’ambition djiboutienne de siéger au sein du conseil de sécurité de l’ONU, pour 2021-2022, témoigne de la volonté de son gouvernement de s’imposer sur la scène internationale et d'y représenter une voix africaine. Cette ambition s’inscrit dans le jeu de puissance qui s'opère au sein de ce territoire, mais avant d’aller plus loin dans les explications sur les motivations animant les dynamiques de ce pays, il convient d’apporter quelques éléments de définition et de contexte.

Tout d’abord, sur le volet géographique, Djibouti a une superficie de 23 200 km². En comparaison, celle de la France est de 643 801 km. Les villes principales de Djibouti sont Ali Sabieh, Dikhil, Arta, Tadjoura et Djibouti qui est la capitale du pays. Les langues officielles sont le français et l’arabe. La devise est le franc djiboutien (1€ = 208 FD, en 2018). Djibouti recense une population de 1 000 000 d’habitants en 2017 selon la Banque mondiale. Elle enregistre une croissance démographique de +1,6%/an. Un peu plus de la moitié de la population est alphabétisée (54,5% en 2015) et la religion majoritaire est l’Islam (96% du pays selon France Diplomatie). Avec son PIB de 1,97 milliard de US$, Djibouti se place au rang de la 49e puissance économique du continent africain sur 54.

Toutefois, Djibouti présente un intérêt des plus stratégiques, à savoir, sa position sur le détroit de Bab-el-Mandeb, un des corridors les plus fréquentés au monde qui contrôle l’accès à la Mer rouge. De surcroît, Djibouti est situé au cœur de l’arc de crise qui s’étend du Sahel au Moyen-Orient. Ses nombreuses crises régionales démontrent l’instabilité de la péninsule, d’où un certain engouement des puissances étrangères à intervenir en son sein.

Mais est-ce vraiment la raison primordiale ? Ces puissances étrangères sont-elles réellement motivées par la volonté de stabiliser cet État et sa région ? Ou bien ces interventions et cette présence extérieure attestent seulement d’une volonté de contrôler et de servir au mieux des intérêts qui façonnent le jeu des États ? Djibouti, au fond, ne serait-elle pas qu’une pièce maîtresse dans la conception prochaine du Moyen-Orient et du Sahel ?

Bien que ces interrogations soulèvent des questions fondamentales voire propices à des débats animés, il est nécessaire d’apporter des éléments historiques (I) dans le but d’identifier les raisons pour lesquelles les puissances extérieures agissent en son sein (II) qui viendront façonner un futur plus ou moins incertain pour la République de Djibouti et pour le Moyen-Orient (III).

par Jean-Baptiste Dubois 24 mai 2021
Le monde arabe est loin d’être un élément figé aussi bien physiquement qu’idéologiquement. Dans une société caractérisée par des mouvements incessants de flux et d’échanges, s’intéresser à la diffusion de dogmes trouve toute sa pertinence pour mieux saisir les enjeux qui façonnent cette partie du globe. C’est dans cette logique que l’association Assas Monde Arabe se penche sur la question du terrorisme islamique au Mozambique.
par Seki Courcoux 11 mai 2021
Les membres d'Assas Monde Arabe se présentent à vous, à-travers les ouvrages sur le Monde Arabe qui les ont marqués.
par Killian Cochet 23 avril 2021

En 2005, pour le 60e anniversaire de l’ONU, l’Assemblée Générale des Nations Unies a écrit une page déterminante de l’histoire du droit international. Par un vote unanime, les Etats membres ont adopté dans l’acte final du Sommet mondial un concept promu depuis des années par des juristes et des acteurs humanitaires internationaux : la responsabilité de protéger (souvent abrégée en R2P pour Responsability to Protect). Cette responsabilité impose aux États et, le cas échéant, à la communauté internationale, de protéger les populations contre les crimes graves qui peuvent être commis à leur encontre.


La responsabilité de protéger a marqué une évolution décisive dans la conception juridique des relations internationales. L’espace supranational est régi depuis près de quatre siècles par le “système westphalien”, tiré du Traité de Westphalie de 1648 qui conclut la Guerre de Trente Ans. Ce système est caractérisé par une double définition de la souveraineté des Etats : une souveraineté externe qui s’exprime par une égalité de droit entre les Etats et une souveraineté interne qui confère à chaque Etat une autorité exclusive sur sa population et son territoire. Ce système a connu un important développement au XXe siècle, particulièrement concernant la souveraineté externe. De l’Entre-Deux-Guerres à l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale, divers acteurs ont tenté de donner sa pleine puissance au concept de souveraineté externe en mettant “la guerre hors-la-loi” (Expression du ministre des Affaires Etrangères français, Aristide Briand, lors de sa présentation du pacte Kellog-Briand à l’Assemblée Nationale le 1er mars 2029), que ce soit par le Pacte Kellog-Briand ou par la Charte des Nations Unis. En revanche, le volet interne de la souveraineté demeurait l’angle mort du développement sécuritaire des Nations Unies. A l’exception de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide de 1948, peu de règles internationales régissaient les rapports entre un Etat et ses populations.


Néanmoins, à la sortie de la Guerre Froide, les conflits intra-étatiques et la protection des droits humains sont redevenus un enjeu majeur du droit international. Les années 1990 sont marquées par deux crises humanitaires que sont la guerre civile de Yougoslavie (1991-2001) et la guerre civile Rwandaise (1990-1994) qui prit un tournant génocidaire dans sa dernière année avec le massacre de près de 800 000 Tutsis et Hutus accusés de sympathiser avec l’ethnie massacrée (Rapport de l’ONU sur le génocide au Rwanda, 1999 : “Quelque 800 000 personnes ont été massacrées lors du génocide de 1994 au Rwanda”). Dans ce contexte de conflits internes, qu’ils soient hérités de la Décolonisation et de la Guerre Froide ou qu’ils s’agissent des “Nouvelles Guerres” caractéristiques de l’espace international post-Guerre Froide (KALDOR, Mary, New and Old Wars : Organized Violence in a Global Era, 2012), des acteurs politiques et humanitaires internationaux ont promu une évolution du droit pour prévenir de futurs excès de violence d’une telle ampleur.

Dès 1987, un colloque international organisé par la faculté de droit de Paris-Sud fait adopter à l’unanimité une résolution affirmant que “devraient être reconnus [...] par tous les Etats membres de la communauté internationale, à la fois le droit des victimes à l’assistance humanitaire et l’obligation des Etats d’y apporter leur contribution”. Cette résolution, qui sera portée plus tard devant les Nations Unies par la France, a notamment obtenu le soutien du juriste international de renom Mario Bettati et du fondateur de Médecins Sans Frontières Bernard Kouchner. Tandis que cette idée de “droit d’ingérence humanitaire” se répandait, deux discours allaient accélérer le passage au droit positif d’un concept de protection internationale des populations dans un cadre étatique.

Le premier fut donné par le Président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, au Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine à Ouagadougou, Burkina-Faso, en 1998. Nelson Mandela argumentait dans ce discours que le continent africain, partageant la marque du colonialisme et le néo-colonialisme, formait une communauté de destin et devait, en tant que tel, assurer communément la paix et la stabilité en son sein. Nelson Mandela, insistant sur la gestion commune de la sécurité qu’il promouvait pour le continent africain, affirmait qu’il était inacceptable “d’abuser du concept de souveraineté nationale pour nier au reste du continent le droit et le devoir d’intervenir, quand, au sein de cette souveraineté, le peuple est massacré pour protéger la tyrannie”.

Le second discours est celui du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, devant l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2000 alors que le débat autour de l’intervention humanitaire divise la communauté internationale. A cette occasion, il déclara “s’il l’intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l’homme, qui vont à l’encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d’être humain ?”. Ce discours marqua le début du processus de formalisation de la responsabilité de protéger et son intégration finale au droit international promu par les Nations Unies.

par Seki Courcoux 6 avril 2021

« A Bâle j’ai fondé l’Etat juif », écrit Theodor Herzl écrit dans son journal, en septembre 1897. Ces mots sont ceux du journaliste juif autrichien qui a fondé l’Organisation Sioniste Mondiale (O.S.M.). Cette organisation à but non-lucratif, dont le siège social se trouve aujourd’hui à Jérusalem, en Israël, a été pendant un demi-siècle le fer de lance du mouvement sioniste.

Au sens moderne du terme, le sionisme renvoie à l’idée d’un retour du peuple juif vers la Terre Promise, et son établissement au-travers d’un Etat souverain. La ‘aliyah, la montée vers la terre biblique d’Israël, est un objectif qui a toujours existé, mais qui est longtemps resté propre à des franges restreintes : rabbins, universitaires, intellectuels religieux… Le mouvement sioniste, lui, s’est propagé au sein de populations très majoritairement européennes à partir du XIXe siècle, notamment parmi les élites intellectuelles et laïques de la communauté juive d’Europe centrale et de l’Est. Les pogroms, expulsions, pamphlets et autres exactions anti-Juifs - encore légion dans certaines régions alors que l’Europe était supposée avoir embrassé les Lumières et la modernité - ont motivé de nombreux Juifs européens à revendiquer leur droit de résidence, voire de souveraineté sur une terre sur laquelle ils ne seraient jamais l’Autre, l’Etranger : celle que Dieu leur a promise, correspondant à la région historique de la Palestine, alors sous domination ottomane.

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